La Zone de Libre Échange Continentale 
Africaine (ZLECAf).

Adrien BRICHE

C’est au mois de janvier 2012 à Addis-Abeba que le projet de la Zone de Libre Échange Continentale Africaine (ZLECAf) est abordé durant la 18ème réunion ordinaire des gouvernements de l’Union Africaine. C’est en 2015 lors de la 25ème réunion ordinaire à Johannesburg du même conseil que les négociations portant sur la zone de libre-échange sont lancées, ces négociations dureront environ 4 années et conduiront à l’entrée en vigueur le 30 mai 2019, de cette zone de libre-échange de biens et de services pour les 24 pays ayant déposés leurs instruments de ratification. La phase opérationnelle de la ZLECAf a été lancée lors de la 12ème session extraordinaire de l'Assemblée de l'Union à Niamey le 7 juillet 2019. Les échanges commerciaux dans le cadre de l'accord ZLECAf devaient commencer le 1er janvier 2021 mais en 2022 un rapport réalisé au profit des huit chambres de commerce et d’industries tunisiennes pointe qu’aucuns échanges n’avaient encore eu lieu dans certains pays du fait de crises ou de perturbations politique. 

Quelques réticences à ce projet subsistent encore au sein des états africains, en effet il reste un état non-signataire (l’Érythrée) et d’autre états comme la Guinée-Bissau, la Libye ou encore le Mozambique n'ont toujours pas ratifié le traité. Cette zone de libre-échange est particulière puisqu’elle soulève plusieurs interrogations. D’abord elle veut l’unification d’un marché africain et ce alors que les disparités de développement et de niveau de vie sont sur le continent Africain sont particulièrement marquées. Ensuite une seconde interrogation se pose quant au cadre et au processus de mise en place de la zone. A ce jour la zone que couvre la création d’un marché intra-national réunis 54 pays rassemblent environ 1,3 milliard de personnes. 

Cette zone de libre-échange a été signé par les membres de l‘Union Africaine en 2018. Elle avait pour objet de créer un marché unique Africain et ce dans un double objectif. Premièrement le développement économique de l’ensemble du continent. Ce qui sert le deuxième objectif visé, étant la concurrence aux marchés et puissances traditionnelles des relations internationales. Bien que la mise en place d’un projet d’une telle taille demande une logistique importante le projet se développe.

 

Ce marché unique s’articule d’abord autour des règles d’origine.

La volonté première des états ayant négociés la formation de cette zone de libre-échange était de baisser ou/et supprimer les barrières douanières dans un certain nombre de pays. Il s’appuie sur des théories de Frankel et Rose comme sur celle de Jacob Viner qui était l’un des premiers économistes à avoir analysé les effets d’une intégration économique régionale. Il y distinguait deux principaux effets positifs, d’abord la création de commerce intérieur à la zone et un détournement du commerce classique extérieur. L’application directe de ces théories sur la ZECLAf est que 90% des produits échangés dans la zone de libre-échange seront exemptés de droit de douane. Cette mesure prendra effet dans les 10 ans qui suivent avec une permission de garder les frais de douane inchangés pour 5 ans. Ensuite les 10% des produits échangés restant sont recoupés en deux catégorie. La première concerne donc 7% des produits considérés comme sensibles, la réduction et non la suppression des tarifs se fera sur 13 ans avec la possibilité de les conserver la aussi pour encore 5 ans. Les derniers 3% concernent des produits exclus de toutes suppression de taxes douanières. Cette catégorie de produit touche essentiellement les produits à forte valeur ou d’importance stratégique pour souveraineté.

La suppression des barrières douanières n’est que la surface des règles imposées par l’union africaine sur les pays membres de la zone. D’autres ajustent et offrent un cadre général des conditions d’échanges pour les produits intra et internationaux. Elles calibrent la formation du marché unique dont veut se doter l’union africaine. Ces règles dites d’origines sont élaborées, signées et ratifiées par les différents états ayant participés aux négociations du traité. Elles posent ici les bases de ce que sera le commerce intra-africain. D’abord en donnant les conditions à remplir pour être éligible au label de produit originaire du marché intérieur et donc bénéficier de la suppression des droits de douane. Il faut que le produit soit entièrement obtenu sur le territoire d’un pays membre, cette règle concernent donc tous les produits issus des sols (agriculture, minerais ou élevage). Ensuite concernant les produits manufacturés, ces derniers doivent subir une transformation substantielle dans un pays membre pour être considérés comme d’origine africaine. Cette règle de la transformation substantielle se divise en deux branches. La première est la règle du cumul, si un produit est transformé dans plusieurs états membres alors le produit final aura son appellation d’origine africaine. La seconde est la règle de la tolérance, il est explicité que cette règle autorise le statut d’origine africaine sur certains produits bien que ces mêmes produits soient obtenus à partir d’importation extérieure. Néanmoins une partie minimale de la valeur doit avoir été créé sur le territoire. Cette règle est primordiale car l’industrie automobile et particulièrement des batteries électriques ainsi que le secteur du textile sont deux piliers de la croissance de certains pays d’africain. Le textile par exemple est le principal employeur notamment en Éthiopie, au Maroc, en Tunisie, et en Égypte. Tandis que le secteur automobile/batterie électrique est celui qui permettra au continent d’exploiter une valeur mondiale capable d’atteindre 46 000 milliards de dollars américains d’ici 2050. Ces règles sont nécessaires et sont votées et mises en place par différents organismes.

D’abord le corps décisionnel de l’Union africaine (UA), composé des ministres des Affaires étrangères des États membres. Il examine les différentes propositions concernant les quelconques modifications du traité et ce avant leur mise en œuvre. Ensuite certaines décisions sont décidées par le Sommet de l’union Africaine, ces décisions concernant d’abord l’évolution des directions prises pour une meilleure intégration économique, ainsi que les tarifs douaniers ou les produits en profitant. Ce dernier rassemble annuellement les différents chefs d’états des pays signataire du traité. De plus les ministres du commerce des États parties composent le Conseil des ministres. Il est distinct du Comité des ministres du commerce de l'Union africaine. Ce Conseil est chargé de veiller à l'exécution et au respect effectifs de l'accord et de prendre toutes les mesures nécessaires pour faire avancer les objectifs de la ZLECAf. Enfin vient le Conseil exécutif de l'UA est le canal par lequel le Conseil des ministres rend compte à la Conférence de l'UA La Zone de Libre Échange Continentale Africaine n’est pas seulement régie par des organes aux pouvoirs normatifs ou exécutifs, elle est munie comme beaucoup d’organisation de ce type d’une cour arbitrale. En effet la ZLECAf dispose d'un système de règlement des différends calqué sur le Mémorandum d'accord sur le règlement des différends de l'OMC. Il se compose de groupes spéciaux et d'un organe d'appel. En vertu de la ZLECAf, le règlement des différends n'est accessible qu'aux États parties et est donc Les parties privées comme les exportateurs, les importateurs ou encore les prestataires de services ne sont pas autorisées à utiliser le mécanisme de règlement des différends. Ils doivent obligatoirement passer par leurs états pour saisir ces mécanismes.

Vers un marché unifié

Sont les règles régissant normativement un traité, elles permettent un effet positif car la suppression des barrières tarifaires et non tarifaires est susceptible d’augmenter le niveau des échanges entre les pays de la zone commerciale commune. Cela de façon à créer un marché unique sur le continent de façon pérenne et surtout concurrencer les marchés classiques et susciter investissement. 

Pour encourager et surtout faciliter ce phénomène d’échange transfrontalier et d’unification du marché, il était nécessaire de mettre en place une unification monétaire. Cette volonté étant trop complexe à mettre en place. Alors dans cette optique les états africains signataires ont sous couvert de la banque de développement africaine mis en place l’instrument PAPSS. Le Pan-African Payment and Settlement System, c’est un outil indispensable à cette unification panafricaine, il permet dans un premier temps une simplification des paiements à travers l’ensemble de la zone qui regroupe en tout 42 monnaies différentes. Ce système fonctionne grâce à une interconnexion des banques centrales des différents pays de la zone. Celles-ci reçoivent un ordre de transfert de valeur de monnaie, elles vérifient la solvabilité de l’envoyeur et ensuite donne l’instruction au système PAPSS qui lui donne l’instruction à la banque centrale du pays du receveur, de transférer dans la devise locale la somme attendue. Ce système est indiqué comme fiable et disponible sans interruption. Il s’appuie sur un code ISO 20022 pour suivre toutes les étapes du paiement transfrontalier. Cet instrument est une véritable nécessité dans la volonté unificatrice de l’Afrique. Il permet dans un premier temps la simplification des transferts d’argent et l’augmentation du volume des échanges. Par la suite les échanges iront croissant car ne seront plus freinés par les délais de conversion ou par le manque de confiance de vendeur à acheteur.

Une volonté plus profonde est de tendre vers de moins en moins de dépendance aux échanges avec les autres zones développées du monde. Le niveau des échanges commerciaux intracommunautaires varie d’une communauté économique régionale à l’autre, en fonction du niveau de développement industriel et économique et du degré de complémentarité des structures de production, de l’état des relations politiques entre les pays membres, et du degré d’engagement des responsables politiques à mettre en œuvre les accords qui instituent ces communautés. En effet ces organisations étatiques ne regroupent pas forcément les mêmes états et donc n’ont pas toutes les mêmes dynamiques et priorités. C’est dans ce but qu’a été créée la ZLECAf, unir les prétentions économiques et collectivement aller vers un modèle ou le commerce est principalement dirigé vers l’intérieur du continent et non l’inverse. En effet entre 2014 et 2016 selon la Conférence des Nations Unies pour le Commerce et le Développement la SADC composé de 16 membres était la première zone économique Africaine en termes d’échanges. Celle-ci échangeait à l’intérieur de la communauté économique régional pour seulement 84 milliards de dollar de marchandise soit 20% du total de ses échanges. De plus en 2017 à l’échelle international le commerce, les échanges de intra-africain ne représente que 15%, là ou en Europe il est de 68% et en Asie de 58%. 

Limites

L’Afrique accuse dans le domaine de grosse lacune qu’elle se force à combler par cette organisation de la zone de libre-échange, elle a pour objectif dans l’agenda 2063 de passer de 15% de commerce intra Africain à 52,3%. Certaines prévisions annoncent que des pays comme le Maroc (+278%) et l'Égypte (+237%) devraient voir leurs exportations intra-africaines exploser. Les pays d'Afrique de l'Est et de l'Ouest en bénéficieront tout autant, avec des hausses importantes pour le Cameroun (+100%)le Ghana (+94%) et la Tunisie (+91%). C’est dans ce sens que sont mis en place les règles d’origines, le PAPSS et d’autres outils mais l’Afrique fait face à un certain nombre de challenge quant à la viabilité de cet énorme projet.

La mise en œuvre de la ZLECAf se heurte à plusieurs défis structurels et contextuels qui limitent son efficacité pour de nombreux pays africains. Tout d’abord, les divergences régionales compliquent l’harmonisation des politiques commerciales, car les zones économiques préexistantes, telles que la CEDEAO et la SADC, possèdent leurs propres règles d’origine, rendant difficile la convergence vers un cadre unique. De plus, il est nécessaire pour les pays en transition politique de renforcer leur coopération avec le Conseil de paix et de sécurité afin de garantir une stabilité politique suffisante pour faciliter la mise en œuvre de la ZLECAf. La persistance des conflits, sur le continent constitue une menace majeure pour l’intégration économique, nécessitant une réponse collective vigoureuse afin de garantir un environnement propice aux échanges. Il a déjà été proposé dans plusieurs organisation de défense régionale basées en Afrique de prétendre à une légitime défense préventive pour lutter contre les mouvements terroristes du Sahel notamment. Ce plan n’a pas vu le jour mais illustre la volonté de paix que veulent les dirigeants pour voir se faire commerce sur le territoire.Enfin, des facteurs structurels compromettent la réussite de l’accord : des infrastructures insuffisantes, ralentissant la circulation des marchandises et des services ; une capacité technologique limitée même si en capacité d’être financé par des puissances étrangères, ce qui freine l’innovation et la compétitivité. Pour garantir le succès de la ZLECAf, il est donc crucial d’adopter des investissements massifs en infrastructures, maintenir une stabilité politique et mettre en plus des stratégies d’inclusion pour les économies les plus vulnérables.

Malgré les différents problèmes abordés plus haut cette nouvelle organisation internationale semble maintenir des chiffres plutôt bons dans l’ensemble. Elle permet d’observer une intégration économique à grande échelle et cela d’abord par des croissances en hausse et cela sur l’ensemble du territoire Africain. Nous pouvons noter en ce sens que la croissance moyenne des pays d’Afrique en 2025 devrait être en moyenne de +4,3%. Selon la Banque Mondiale environ 17 pays de l’union africaine devrait dépasser les 5% de croissance annuelle et ce sur la même période. Le détail de ces taux de croissance par région est assez évocateur. Il est indiqué que toute la région d’Afrique de l’Est, qui a toujours été la plus dynamique, avait une croissance estimé à 4,9% en 2024 et passera à 5,7% de moyenne sur l’année 2025. Elle maintient donc un bon niveau de croissance. Là ou un territoire moins dynamique, l’Afrique centrale avait avant la mise en place de cette zone de libre-échange en 2017 une croissance annuelle de seulement 0,9% selon la banque africaine de développement. Ces chiffres passent par la suite à 4,1% de croissance sur l’année 2024 et 4,7% de croissance sur l’année 2025.,Certains économistes européens, chez la compagnie allemande Allianz Trade notamment pensent que La mise en place d’un marché intra-national africain d’une telle taille permettrait sans nul doute une montée des revenues disponible soit du Produit Intérieur Brut, Allianz donc estime cette hausse à environ 7% sur 12 ans ce qui amènerait certains pays à s’ouvrir d’autant plus à des entreprises. Toujours selon le groupe d’assurance d’autres pays devraient eux connaitre une hausse de leurs revenus d’environ 10% sur 12 ans. Dans ce groupe d’état nous pouvons citer la Cote d’Ivoire, le Kenya, la Namibie et le République démocratique du Congo même si à la vue des derniers évènements en date nous pouvons légitimement douter de la capacité de la république du Congo à agir de façon coercitive et nationale dans quelconques domaines économiques. Le cas du Congo n’est pas isolé, le Sahel est aujourd’hui encore proie de perturbations ou de violences politiques qui nous interrogent sur l’avenir de la ZLECAf.

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