La place des Etats-Unis dans le matériel militaire français.
Historique et perspectives.
Hugues DE MASCAREL
Historique :
Pendant la Seconde Guerre mondiale, la France, occupée par l’Allemagne nazie, a dû s’appuyer largement sur l’aide militaire des États-Unis et du Royaume-Uni pour sa libération. Les forces françaises libres du général de Gaulle ont reçu des équipements américains, notamment des chars Sherman, des avions de chasse P-47 Thunderbolt et des fusils M1 Garand.
Après la guerre, la France se retrouve militairement affaiblie et doit reconstruire son armée. Elle bénéficie du Plan Marshall et de l’assistance américaine pour moderniser ses équipements. Cette dépendance est particulièrement visible en Indochine où, dans les années 1950, environ 80 % du matériel militaire français est d’origine américaine. La guerre d’Indochine (1946-1954) se déroule avec un soutien logistique important des États-Unis, qui voient la France comme un rempart contre l’expansion communiste en Asie du Sud-Est.
Avec la montée des tensions entre les blocs Est et Ouest, la France intègre l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) en 1949. À cette époque, l’armée française reçoit des avions de combat américains comme le F-84 et le F-100. L’armée de terre se dote de chars M47 Patton et d’autres équipements fournis par les États-Unis.
Cependant, cette coopération militaire entraîne une perte d’indépendance stratégique. Washington impose des normes d’interopérabilité qui contraignent la France à adopter des doctrines militaires alignées sur celles du Pentagone. Cette situation suscite des tensions politiques, notamment chez le général de Gaulle, qui voit dans cette dépendance un frein à l’indépendance militaire française.
L’arrivée au pouvoir du général de Gaulle en 1958 marque un tournant dans la politique de défense française. Soucieux de restaurer la souveraineté militaire du pays, il engage un processus d’indépendance stratégique, qui passe par plusieurs décisions majeures :
La première est le développement d’une industrie militaire nationale où la France investit massivement dans la recherche et le développement de son propre matériel militaire. Dassault Aviation développe le Mirage III, un chasseur-bombardier capable de rivaliser avec les avions américains. Aussi, en 1966 la France sort du commandement intégré de l’OTAN. En effet, de Gaulle refuse de voir la France placée sous l’autorité militaire des États-Unis et retire le pays du commandement intégré de l’OTAN tout en restant membre de l’Alliance. Les bases militaires américaines en France sont évacuées. De là, dès 1960, la France teste sa première bombe atomique dans le Sahara algérien. La doctrine de la "force de frappe" repose sur des missiles et des sous-marins nucléaires construits localement, garantissant à Paris une autonomie en matière de dissuasion nucléaire.
Cette période marque un net recul de la dépendance militaire française envers les États-Unis. La France développe progressivement son propre complexe militaro-industriel avec des entreprises comme Dassault Aviation (aviation de combat), Nexter (blindés), Thales (systèmes de défense) et MBDA (missiles).
Si la France cherche à conserver son autonomie militaire, elle continue toutefois d’entretenir des relations stratégiques avec les États-Unis.
Dans les années 1980, la coopération est visible sur certains programmes militaires. Par exemple, la France utilise des composants électroniques américains pour certains missiles et radars. Dans les années 1990, après la fin de la Guerre froide, l’approche française devient plus pragmatique. La guerre du Golfe en 1991 montre que les forces françaises, bien que performantes, doivent encore collaborer avec les États-Unis pour certaines opérations d’envergure. La France participe sous commandement américain à l’opération "Tempête du désert" en utilisant des avions Mirage F1 et des chars AMX-30 aux côtés des Abrams américains.
En 2009, sous la présidence de Nicolas Sarkozy, la France décide de réintégrer le commandement intégré de l’OTAN, tout en maintenant sa force de dissuasion nucléaire indépendante. Ce retour s’explique par la volonté de Paris d’accroître son influence dans l’Alliance et de mieux coordonner ses opérations extérieures.
Aujourd’hui, part et perspective :
Cette réintégration au sein de l’OTAN n’empêche pas la France de poursuivre son ambition d’autonomie stratégique. Elle continue de développer ses propres systèmes de défense, mais utilise encore du matériel américain dans certains domaines critiques, notamment les drones MQ-9 Reaper (utilisés pour la surveillance et les frappes ciblées), certains éléments de communication et de cybersécurité fournis par des entreprises américaines et des technologies dans l’aéronautique militaire, notamment des capteurs et systèmes de navigation intégrés dans des avions français.
Selon des estimations, entre 15 et 20 % des équipements militaires français incluent des composants ou des systèmes américains, ce qui souligne une interdépendance persistante malgré les efforts d’autonomie stratégique.
Face au regain de tension internationales aujourd’hui, la dépendance française à certains matériels américains (comme les drones MQ-9 Reaper, les avions de surveillance et certaines infrastructures de communication sécurisées) peut limiter sa capacité d’action en cas de désaccord stratégique avec Washington.
Le retour de Donald Trump à la présidence des États-Unis constitue une source d’inquiétude majeure pour la France et l’Europe. Lors de son premier mandat, Trump avait remis en cause l’engagement américain dans l’OTAN, menaçant à plusieurs reprises de retirer les États-Unis de l’Alliance si les Européens n’augmentaient pas leurs budgets militaires. Il avait aussi imposé des restrictions sur l’exportation de technologies américaines, notamment via les régulations ITAR (International Traffic in Arms Regulations), freinant les ventes d’armements français intégrant des composants américains. Enfin, sa politique commerciale et étrangère avait privé certains alliés de technologies critiques, comme ce fut le cas pour la Turquie avec l’exclusion du programme F-35 après l’achat de missiles S-400 russes.
Pour réduire sa dépendance aux États-Unis, la France dispose de plusieurs leviers :
Pour commencer, il serait important d’investir massivement dans l’innovation technologique, cela passe par le renforcement de la Recherche & Développement (R&D) dans les domaines des drones, de l’intelligence artificielle et de la cybersécurité afin de ne plus dépendre des technologies américaines. Aussi, le levier européen est un levier conséquent à ne pas négliger. En cela, accélérer la coopération industrielle européenne et consolider des alliances avec l’Allemagne, l’Italie, la Pologne et les autres membres de l’UE permettrait de créer un écosystème de défense moins dépendant des États-Unis. La France se doit aussi de diversifier ses partenariats stratégiques. Cela passe par renforcer les liens avec des pays comme l’Inde, les Émirats arabes unis ou le Brésil pour élargir ses débouchés et réduire l’impact des restrictions américaines sur ses exportations d’armement. Enfin, développer une politique de résilience en stockant des composants critiques et en favorisant une production locale permettrait de garantir la continuité des opérations militaires en cas de rupture d’approvisionnement américain.
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