La perte de vitesse du monde du luxe, quelles en sont les raisons ? 

Adrien BRICHE

Le marché du luxe français et ses égéries, ses activités et son impact. 

Le marché du luxe français est caractérisé par une grande diversité d’acteurs et de métiers répartis sur le territoire, la filière française est composée des grands groupes placés sous l’appellation KOHL c’est-à-dire LVMH, Kering, l’Oréal et Hermès, classés respectivement premier deuxième cinquième et neuvième plus grosse entreprise dans le domaine du luxe par le cabinet Deloitte dans une étude parut en 2021 sous le nom « Global Power of Luxury Goods ». Ces marques sont des créateurs, de prêt à porter comme de produit de beauté, des artisans et des entreprises de fabrication, dont une grande majorité des sous-traitant sont des PME, voire des TPE, réunies parfois au sein de petits groupes familiaux.

Cette industrie du luxe est très importante pour l’activité économique française car celle-ci fait de la France le premier acteur du luxe et de la mode dans le monde. Elles embauchent en 2024, directement ou indirectement plus de 615 000 personnes pour un total de 25% des ventes du secteur réalisées dans le monde ce qui équivaut à un chiffre d’affaires de 154 milliards d’euro en 2024. Si nous ajoutons les trois autres entreprises françaises présentes dans le top 100 que sont Clarins, SMCP et Zadig & Voltaire, le poids de la France dans l’industrie du luxe représentait 28,11 % du marché mondial en 2021. Par ailleurs, les marges nettes de profit des KOHL, comprises en 11,1 % et 22,4 %, apparaissent bien supérieures à celles de leurs principaux concurrents étrangers, engendrant de facto une plus grande aisance financière et une capacité accrue d’investissement. Ce qui s’illustre et se matérialise depuis 2019 par des actions concrète. 

Le 10 octobre 2019 a été lancé la première promotion de l’accélérateur Mode & Luxe, créé en partenariat avec Bpifrance une banque entrepreneuriale et des comités de développement économique de la filière. Cet accélérateur accompagne sur une durée d’un an 31 PME, fabricants et marques, issus de neuf régions différentes. Concrètement les dirigeants impliqués bénéficient de la réalisation par un consultant d’un diagnostic, de 10 jours de conseils et de cinq séminaires sur des thématiques clés du secteur comme le modèle économique, le développement international etc. Cette action contribue à la modernisation et au l’amélioration des usines des sous-traitants du luxe, au renforcement de leurs fonds propres, de même qu’au développement des marques en croissance. 

Mais cet accélérateur n’est pas le seul exemple, nous pouvons aussi citer dans ce sens union de l'École de la Chambre Syndicale de la Couture Parisienne et de l’Institut Française de la Mode. « L’ambition est de s’imposer comme le meilleur établissement de mode au monde, s’appuyant sur un modèle unique de gestion, de technique et de création, allant du CAP au Doctorat (…), promouvant activement la mixité sociale, et en pointe en matière de technologie et de développement durable. » a déclaré Ralph Toledano, Président de la Fédération de la Haute Couture et de la Mode. A la rentrée 2020, le nouvel Institut français de la mode accueillera plus de 1.000 étudiants.[ab1] 

Ces données montrent que le marché du luxe est une pierre angulaire de l’activité économique française et représente une part conséquente de sa croissance. Des actions concrète sont misent en places par le gouvernement pour soutenir ce secteur. Emmanuel Macron l’a bien compris selon certains journalistes le président français à multiplier les diners invitant designeurs et représentants de maisons de marques afin de perpétrer ce soft power du luxe à la française. Il ne s’y trompe pas d’abord car cette industrie contribue à hauteur de 36 milliards au Produit Intérieur Brut du pays, les principaux groupes de luxe cotés comme les KOHL représentent 25 % des entreprises cotés au CAC40, ce qui démontre l’ampleur de l’avantage comparatif de la France dans le luxe. Ensuite car l’expertise du luxe à la française se trouve aussi dans sa capacité à exporter son image et ses produits. Le luxe français exporte vers 180 pays, jusqu’à Oulan-Bator capitale de ma Mongolie pour Louis Vuitton. Le taux d’exportations des Maisons de luxe est de 85 à 90%, auquel il faut ajouter les ventes en France aux clients étrangers ce qui représente la moitié du chiffre d’affaires réalisés en France par ces entreprises. Malheureusement les nouvelles en ce sens ne sont pas bonnes, effectivement le marché Chinois qui représente environ un tiers de la demande dans le secteur du luxe risque de ne plus être aussi attractif qu’avant.

Baisse de croissance du marché chinois

Depuis 2020, la Chine traverse une crise économique majeure, dont les effets se font de plus en plus ressentir. Le pays a longtemps été l’un des moteurs de la croissance mondiale, mais aujourd’hui plusieurs facteurs structuraux viennent aujourd’hui fragiliser son économie.

Le secteur immobilier, qui représentait jusqu’à un quart du PIB chinois, est devenu l’un des principaux points de faibles de l’économie chinoise. Depuis 2020, les autorités ont durci les conditions d’accession aux crédits par les promoteurs, provoquant un effondrement du marché. Des géants de l’immobilier comme Evergrande se retrouvent au bord de la faillite. Dans le même temps, la chute des prix de l’immobilier freine les investissements des ménages, créant un cercle vicieux qui ralentit l’ensemble de l’activité économique. Face à cette situation, Pékin a multiplié les mesures de relance. En mai dernier, le gouvernement a réduit l’apport nécessaire à un premier achat et proposé aux autorités locales de racheter des logements invendus ou non livrés. 

L’endettement des collectivités chinoises est devenu un sujet de préoccupation majeur en Chine. Le gouvernement l’évalue à 5 600 milliards de dollars soit 5 200 milliards d’euros, tandis que le FMI estime ce chiffre à 8 400 milliards de dollars soit 7 800 milliards d’euros. Ces dettes massives fragilisent la capacité des régions à financer leurs propres projets d’infrastructure ou des plans de relance, rendant l’économie chinoise de plus en plus dépendante de mesures monétaires. Conscient des risques d’un effondrement plus large, Pékin tente d’injecter du sang neuf dans l’économie. La Banque centrale chinoise a annoncé une baisse du ratio de réserve obligatoire (RRR), une réduction du taux d’intérêt directeur et des taux de prêts hypothécaires afin de relancer le crédit et la consommation. Ces mesures visent à redonner confiance aux investisseurs et aux ménages, mais leur efficacité reste incertaine tant que la crise immobilière reste importante.

Les difficultés économiques de la Chine se répercutent largement sur le secteur du luxe qui comme nous l’avons dit précédemment représente un peu plus de 30% de la demande dans le secteur. L’année 2024 marque le tournant difficile pour le secteur du luxe, frappé par le ralentissement de la demande chinoise donc mais aussi par un essoufflement des marchés occidentaux. Alors que les grandes maisons françaises continuent de briller à l’international, les performances boursières des géants du secteur témoignent d’un climat incertain. 

Un marché sous tension 

Les incertitudes économiques poussent les consommateurs chinois à modifier leurs comportements d’achat, notamment dans le luxe.  Ce qui provoque des tensions sur le marché. LVMH, mastodonte du luxe, affiche une baisse de 13 % en Bourse depuis le début de l’année, tandis que Kering plonge de 39 % et L’Oréal de 24 %. Seuls Hermès (+18,5 %) et Richemont (+18 %) échappent à cette tendance grâce à leur positionnement ultra-premium. Ce recul des valeurs boursières reflète une dynamique de marché moins favorable qu’en 2022 et 2023, où l’industrie du luxe avait bénéficié d’un engouement post-Covid. Selon une étude du cabinet Bain & Company et de la fondation Altagamma, le luxe traverse en 2024 « son deuxième plus grand ralentissement de l’histoire » après la crise financière de 2008. La reprise post-pandémique a été de courte durée, la Chine et plus largement l’Asie, qui représente une part essentielle du marché, voit ses dépenses discrétionnaires chuter. 

Face à la baisse du pouvoir d’achat et à une prudence accrue, les consommateurs chinois se tournent de plus en plus vers le marché du luxe de seconde main. Celui-ci a explosé ces dernières années : évalué à 27 milliards de dollars en 2023, il devrait atteindre 32 milliards d’ici 2025. De manière plus générale, le marché de la seconde main en Chine, tous secteurs confondus, est passé de 41 milliards de dollars en 2015 à 137 milliards en 2020, avec des prévisions de triplement d’ici 2025. L’essor des plateformes de revente est spectaculaire : en 2023, elles comptaient 580 millions d’utilisateurs, soit une augmentation de 25 % entre 2022 et 2023. Ce basculement vers un mode de consommation plus raisonné marque une rupture avec les années précédentes, où l’achat de produits neufs dominait largement. 

Ce ralentissement a des conséquences concrètes pour les géants du secteur. Louis Vuitton, qui tire environ 75 % de son chiffre d’affaires de la maroquinerie, enregistre une baisse des ventes de sacs à main. Résultat : ses sous-traitants voient leurs commandes chuter. D’après nos informations, certaines usines sous contrat avec la marque ont vu leur volume de production s’effondrer en quelques mois, passant de 400 000 - 450 000 heures de travail prévues à seulement 350 000 - 390 000 heures en 2024. 

Si l’industrie du luxe a toujours su rebondir face aux crises, le ralentissement chinois et le boom du marché de l’occasion pourraient marquer une transformation durable des modes de consommation. Les grandes maisons devront s’adapter à ces nouvelles dynamiques pour préserver leur suprématie sur un marché en pleine mutation

©Żółty (Zolty). Tous droits réservés.

Nous avons besoin de votre consentement pour charger les traductions

Nous utilisons un service tiers pour traduire le contenu du site web qui peut collecter des données sur votre activité. Veuillez consulter les détails dans la politique de confidentialité et accepter le service pour voir les traductions.