Le Nouvel Accord commercial Indo-Européen.

Briac CHATELET

Le 28 février 2025, Ursula von der Leyen et Narendra Modi se rencontraient à New Delhi sur fond de négociations d’un accord commercial et de défense. Selon la Présidente de la Commission européenne, « L’Union européenne et l’Inde ont le potentiel de représenter l’un des partenariats les plus marquants du siècle ». Initié en 2007, interrompu en 2013 puis repris en 2022, cet accord pourrait s’avérer être l’un des plus prometteurs en cette période de troubles géopolitiques.

Avant d'aborder les détails de ces négociations, il est important de rappeler l’importance des relations commerciales indo-européennes. En tant que plus grand partenaire de l’Union européenne, l’Inde représentait 124 milliards d’euros en 2023 et 137 milliards d’euros en 2024, soit 12,2 % du commerce total indien. Bien que les échanges aient augmenté de plus de 90 % au cours de la dernière décennie, les accords de libre-échange ont stagné, tant les différences entre les deux entités sont marquées.

Si l’Union européenne est une union d’États indépendants fondée sur des bases commerciales, économiques et politiques, l’Inde est un État massif, dirigé par un parti conservateur fermement engagé dans une politique protectionniste, érigée autour de barrières tarifaires. Selon l’Organisation mondiale du commerce (OMC), le droit de douane moyen indien avoisine les 18 %. L’objectif est donc de protéger les entrepreneurs indiens et de promouvoir les industries locales face aux acteurs étrangers. De manière générale, l’Inde reste un partenaire commercial difficile à aborder dans le cadre de négociations de libre-échange, comme en témoignent les discussions au point mort avec le Royaume-Uni depuis plus de dix ans.

Cet accord est donc aussi crucial qu’attendu. Estimé à une valeur de 3 à 5 milliards d’euros à long terme, il couvre des enjeux majeurs. Du point de vue européen, ces négociations visent à faciliter l’exportation de produits automobiles, de vins et de spiritueux européens. Au-delà, l’Europe souhaite bénéficier du soutien indien dans sa politique de “de-risking”, en relocalisant en Inde la production de biens stratégiques dépendant des chaînes d’approvisionnement chinoises : semi-conducteurs, batteries, médicaments. Pour l’Inde, l’objectif est de multiplier les investissements étrangers et d’obtenir davantage de visas de travail pour ses ressortissants en Europe. En parallèle, New Delhi s’inquiète de la concurrence que pourraient représenter les agriculteurs européens pour ses propres producteurs.

Cependant, l’enjeu de ce partenariat dépasse le simple cadre économique. Depuis le retour de Donald Trump à la présidence américaine, l’Europe s’interroge sur ses alliances stratégiques. Pour Bruxelles, la perte de Washington comme allié fiable pousse à la recherche de nouveaux partenaires. Pour New Delhi, le rapprochement Washington-Moscou pourrait détourner les États-Unis de leur confrontation avec la Chine, affaiblissant la position indienne. Cet accord offre donc à l’Inde et à l’Union européenne l’opportunité de renforcer leurs économies et leurs défenses, en réinventant leur relation bilatérale.

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