Le nouveau chapitre Syrien.
Briac CHATELET
Le 8 décembre 2024, après plus de 10 ans de guerre civile, Bachar Al-Assad se réfugie en Russie, quittant un pays dévasté. Avec 90% de sa population vivant sous le seuil de pauvreté, 10 millions d’habitants en situation d’insécurité alimentaire chronique et plus de 6,8 millions de syriens exilés, la Syrie entre dans une phase de reconstruction incertaine. La chute du régime offre aux rebelles l’opportunité de former un gouvernement provisoire, mené par le mouvement islamiste Hayat Tahrir Al-Sham. Toutefois, il reste à savoir si le pays s'orientera vers un réel processus démocratique, la répétition du passé autoritaire ou bien la fondation d’un nouvel État islamique. Retour sur la question cruciale du nouvel alignement international syrien.
Après des années d’isolement diplomatique, les regards se tournent vers la Syrie. Les factions rebelles, bien que victorieuses, sont fragmentées et rivalisent pour le pouvoir au sein de la transition. Parmi elles, le Hayat Tahrir Al-Sham, issu d’une branche d’Al Qaïda, et l’Armée Nationale Syrienne constitue l’actuel bloc principal de la transition. Toutes deux soutenues par la Turquie, elles suscitent une inquiétude quant au devenir de la gouvernance syrienne. Si le HTS porte encore l’héritage d’un idéologie islamiste extrémiste, l’ANS s’isncrit quant à elle dans une politique conservatrice et néo-ottomane pro-turque.
Parallèlement, les forces rebelles démocratiques, plus modérées et favorables aux minorités ethniques et religieuses, sont soutenues par l’Occident et principalement les États-Unis. Rassemblées sous le nom des Forces Démocratiques Syriennes, ces brigades ont grandement contribué à la chute du régime de Bachar Al-Assad et ce depuis 2011 et même malgré les interventions iraniennes et russes. Aujourd’hui affaiblies par la lutte, elles demeurent influentes dans leurs zones initiales d’intervention, à savoir le Nord-Est du pays. Additionnellement, les forces kurdes, connaissant une une opposition féroce des autorités turques qui considèrent les kurdes comme une menace nationale et s’attaquent aussi bien au Parti des travailleurs du kurdistan (PKK) qu’au territoire du Rojava.
Face à ces tensions intercommunautaires et géopolitiques mettant en péril le processus de paix durable syrien, le gouvernement de transition a initié un appel au désarmement à travers le territoire, appel auquel les milices ont majoritairement répondu favorablement sauf en territoire kurde sous tension.
Néanmoins, la chute du régime baasiste redessine également les rapports de force au Moyen-Orient. Pour la Russie, perdre l’allié syrien signifierait la perte des bases de Tartous ainsi que Hmeimim et par extension la perte de son influence dans le croissant chiite s’étendant du Liban à l’Iran. Moscou se retrouve aujourd’hui à négocier face à un ancien opposant, en espérant empêcher un virement pro-turque ou pro-occidental.
De son côté, Ankara dans ce nouveau pouvoir pro-turque un allié de choix. Sa politique est la suivante : lutter contre les indépendantistes turques, rapatrier les réfugiés syriens rapidement tout en étendant son influence sur le territoire en s’appuyant sur l’ANS comme indiqué par le chef de la diplomatie turque, Hakan Fidan. Enfin, l’Iran apparaît comme le grand perdant de ce remaniement. À travers la chute de Damas, c’est “l’Axe de la résistance” qui s’affaiblit. Les bases et usines militaires vitales pour le soutien au Hezbollah sont passées sous contrôle rebelle tandis que des offensives israéliennes ont coupé le Liban du soutien iranien. Malgré une volonté syrienne de normalisation, Israël a choisi de maintenir sa méfiance à l’égard de Damas et d’occuper le Golan, influençant le positionnement syrien.
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