La Roumanie en proie au chaos politique.

Briac CHATELET

Sous le coup de critiques depuis décembre 2024, le Président roumain Klaus Iohannis a annoncé ce lundi 10 février 2024 son intention de démissionner de son poste de chef de l’État. Sa légitimité est contestée depuis l’annulation des élections présidentielles de 2024 ayant porté l’extrême droite pro-russe aux portes du pouvoir sur fond d’ingérence moscovite. Alors que le conflit en Ukraine perdure, l’Union européenne connaît aujourd’hui une nouvelle crise démocratique sur son territoire.

Le 8 décembre 2024, le candidat d’extrême droite roumain Calin Georgescu annonce sa victoire, après une campagne surprise menée en totale indépendance des partis politiques et des médias traditionnels. Dans un pays marqué par l’instabilité politique et la chute de plusieurs gouvernements au cours de la présidence Iohannis, Georgescu apparaît comme une rupture avec le modèle politique classique. Grâce à sa non-affiliation à une entité politique, il mène une campagne centrée sur sa personne, son quotidien et ses valeurs, prônant son attachement à la religion chrétienne orthodoxe ou encore certains aspects de la Garde de fer. Aspirant à restaurer la fierté roumaine, il souhaite un détachement vis-à -vis de l’Union européenne et de l’Otan tout en appelant à cesser le soutien à l’Ukraine, forçant cette dernière à signer un accord de paix. Sans que personne ne s’y attende, Il arrive en tête des scrutins lors du premier tour avec la candidate europhile Elena Lasconi sur ses talons. Pourtant, le contexte des élections et son profil atypique surprennent l’Europe et pour de mauvaises raisons.

Si ce candidat s'enorgueillit du “réveil extraordinaire du peuple roumain” lors des résultats du premier tour, la Commission européenne alerte sur la tenue des élections et la proximité du candidat avec la Russie. Même si son nom n’est pas répandu au sein du public, Calin Georgescu est un personnage connu de la justice, notamment pour son soutien assumé à la restauration de la mémoire de la Garde de Fer et de ses dirigeants. Pour contextualiser, la Garde de Fer roumaine est une force politique fasciste basée sur le modèle politique légionnaire ayant mis en place une dictature lors de la Seconde Guerre mondiale. Calin Georgescu a alors fait parler de lui en commémorant la mémoire d’Ion Antonescu, un des leaders de cette garde et reconnu comme responsable de la Shoah en Roumanie, qu’il considère comme un héros national. Si un tel profil parvient à se hisser en tête des suffrages alors que les sondages ne l’y attendaient pas, c’est d’abord parce que la Roumanie a connu une lassitude profonde des partis traditionnels mais aussi et surtout parce qu’elle n’est pas exemptée de soupçons d’ingérence russe. De manière analogue à la Moldavie, à la Slovaquie et son dirigeant pro-russe Robert Fico ou encore la France et les liens entre le Rassemblement national et la Russie, la campagne de Calin Georgescu a rapidement suscité des inquiétudes. Cette peur va alors se traduire par des manifestations ainsi qu’une enquête de la Commission Européenne sur sa campagne.

En effet, un des arguments du candidat indépendant était son refus de passer par les médias traditionnels qu’il jugeait trop éloignés de la réalité du peuple roumain, préférant un contact plus direct via les réseaux sociaux. Des irrégularités vont alors apparaître avec une campagne électorale réalisée dans des proportions laissant planer le doute sur une subventions de ses activités ou bien avec l’apparition de nombreux bots dans les commentaires de ses opposants appelant à voter pour lui. L’affaire va s’étendre lorsque plusieurs influenceurs vont avouer avoir été contacté pour promouvoir la participation au vote, tout en devant décrire leur candidat idéal en reprenant par l'occasion une description similaire à Georgescu. Bien que son nom ne fut pas cité, chaque vidéo ouvrait la porte à des bots appelant au vote

 

pour le candidat en associant la description à son profil. À l’issue d’une longue enquête, démontrant que des appels aux votes irréguliers avaient également été commis du côté des europhiles, l’ingérence russe est attestée au cours de ces élections. Plusieurs dizaines de milliers de bots ont été créé par des sociétés ayant disparu peu après la fin des décomptes, retraçant des liens remontant jusqu'à des actifs sud-africains, des cercles politiques religieux pro-russe roumain et dans certains cas, des canaux de communication russe présent sur Discord et Télégram. Bien que confirmés, ces actes ne sont pas tous condamnables notamment ceux concernant les plateformes en raison de leur confidentialité.

Pour toutes ces causes, ces élections ont été annulées et le gouvernement en place ainsi que le Président ont été maintenus. Toutefois, 3 mois après ces élections annulés, le peuple roumain réclame le départ du Président sortant et l’organisation de nouvelles élections. Avec la résignation du Président Klaus Iohannis ce lundi et la nomination par intérim du président du sénat Ilie Bojan mercredi, de nouvelles élections sont attendues les 4 et 18 mai prochains. Il reste à savoir si celles-ci laisseront place à une organisation transparente malgré l’héritage lourd de la précédente

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